Le canal d’arrosage de Rouchas Frach compte parmi les plus anciens du Queyras, et parmi les plus longs lors de sa réalisation. Il daterait d’il y a au moins 7 siècles. Découvrez son histoire en empruntant son sentier d’interprétation !
Tracé d’est en ouest, sur les adrets d’une vallée très ouverte, le canal d’arrosage des villages de Fontgillarde et du Coin prenait son eau dans l’Aigue Agnelle, au lieu-dit Rouchas Frach (« Le gros rocher cassé ») auquel il doit son nom.
Dans notre région, l’eau vient d’en haut. Le relief est imposé par la configuration particulière du massif haut-alpin. S’il faut que les canaux courent à flanc de montagne, c’est exclusivement à des écoulements de type gravitaire que nous avons à faire. Ainsi, dans chaque vallée, chaque lieu où l’arrosage sera envisagé comme nécessaire, se mettront en place de véritables réseaux d’irrigation.
Nos Anciens furent ingénieux et ingénieurs pour capter, conduire et distribuer le précieux liquide. Pour la croissance végétale, cet arrosage organisé fut sans nul doute non négligeable. Il favorisa certainement une augmentation en volume et en quantité, la durée et la qualité de l’arrosage jouant, à n’en pas douter, un rôle non négligeable.
De cet ouvrage qui s’étire sur plus de 8 kilomètres, il ne demeure aujourd’hui que des vestiges d’une remarquable et émouvante beauté. Le canal est beau par la vue splendide qu’il offre sur la vallée de l’Aigue Agnelle jusqu’aux montagnes de l’Oisans.
Le canal est beau aussi du travail des hommes. Le canal de Rouchas Frach qui, pendant des siècles, a apporté la vie aux habitants de Fontgillarde et du Coin, alliait le fonctionnel et l’utile. Chaque geste accompli à destination du canal était d’abord pour la famille et la communauté, puis pour les enfants et les petits-enfants, puis pour tous ceux qui vivraient encore et toujours du canal à travers les âges.
L’utilisation et l’entretien du canal étaient soumis à une organisation très stricte. Chacun des paysans ne pouvait pas disposer de l’eau comme il le souhaitait. Une répartition était faite, sous le contrôle du « preÿer » (homme chargé de la distribution de l’eau) : chaque soir, celui-ci attribuait une certaine durée d’utilisation de l’eau, en fonction de la surface à irriguer. Un registre (« la parcelle ») permettait de déterminer précisément la répartition. Et pas question d’essayer de tromper le « preÿer »…
Les corvées d’entretien étaient établies par le procureur qui avait, par ailleurs, en charge toutes les corvées propres à l’entretien des chemins et de tout ce qui était utile à la communauté. La corvée du canal commençait dès la fonte des neiges. Elle consistait à déblayer les endroits où la terre avait coulé avec la neige, à réparer les murs aval, à entretenir les « agoutaÿes » : ces encoches dans le canal, d’un format très précis, permettaient, grâce au système des « estanchos » (écluses) de faire couler l’eau dans des rigoles et des canaux secondaires.
Il fallait plusieurs heures pour remplir le canal. Pendant ce long parcours, l’eau avait eu le temps de tiédir au soleil. L’arrosage n’en était que plus efficace.
Le canal de Rouchas Frach permet de prendre conscience du lien étroit qui unissait les hommes à leur canal. Ils avaient établi avec lui une sorte de « cycle vertueux ». L’eau du printemps, infiltrée lentement en profondeur dans le sol et restituée en été dans le torrent de l’Aigue Agnelle, venait arroser le pied de l’herbe quand le soleil était le plus fort. Le bétail, les vaches et les moutons, en échange de cette herbe nourrissante, donnaient un lait lui-même nourrissant. Qui, directement ou sous forme de fromage, donnait aux hommes, aux femmes et aux enfants des villages les forces nécessaires à la vie, à leur vie et à celle du canal.
Pendant des siècles, ce cercle vertueux a tourné, tant bien que mal. Plutôt bien que mal. Mais qu’un maillon de cette chaîne eau-canal-herbe-bétail-homme vienne à céder, alors tout s’arrête. Le cercle est brisé.
La dernière corvée a eu lieu au printemps 1914. Plus de corvée en 1915, 1916, et ainsi de suite. Rouchas Frach cessa alors de vivre… Jusqu’à son aménagement pour en faire un sentier d’interprétation et de mémoire !
une œuvre artistique, éducative et patrimoniale
Le projet culturel original du canal de Rouchas Frach propose de parcourir le sentier de visite du canal depuis la prise d’eau jusqu’à son débouché au-dessus du hameau du Coin. Ce canal représente un élément du patrimoine local qu’il est important de conserver, pour la mémoire des Queyrassins qui nous ont précédés et qui ont travaillé à cet ouvrage important. Il constitue un excellent moyen pour comprendre le fonctionnement de l’irrigation agricole en montagne et l’importance de l’eau qui est toujours d’actualité. Tout au long du chemin, vous découvrirez comment fonctionnait le canal, comment étaient organisées les corvées d’entretien, la répartition de l’eau, les points remarquables. Rouchas Frach est aussi le lieu pour s’émerveiller de fleurs multicolores, pour surprendre les chevreuils, les marmottes, pour admirer le vol d’un aigle… Par les matériaux qui seront employés (pierre sculptée, lave émaillée, bois) ce projet s’inscrit totalement dans le développement durable, respectant en cela l’environnement du Parc Naturel Régional
« La création et la gestion de pareils ouvrages nécessitent la mise en commun d’une force de travail, le partage de la corvée pour l’entretien et la mise en place de conventions pour la distribution. La montagne, en de nombreux endroits, porte encore sur ses flancs les nombreuses traces de ces pacifiques combats pour la vie. Pour l’ensemble de ces raisons, pour rendre un hommage sincère à cette noble lutte, l’œuvre que je vous propose s’intitule « Hommage aux ingénieux et ingénieurs paysans du Queyras« . Michel Yves Huet, sculpteur et réalisateur du projet. |
Tout au long du chemin, vous découvrirez comment fonctionnait le canal, comment étaient organisées les corvées d’entretien, la répartition de l’eau, les points remarquables. Rouchas Frach est aussi le lieu pour s’émerveiller de fleurs multicolores, pour surprendre les chevreuils, les marmottes, pour admirer le vol d’un aigle ; et pour contempler le paysage façonné par des évolutions géologiques à découvrir.
Pour consulter le dépliant de présentation :
Dépliant
Pour en savoir plus sur l’historique de ce projet :
Reportage sur la réalisation du projet de Rouchas Frach
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Reportage sur la réalisation du projet de Rouchas Frach
parcours du canal
Un parcours est balisé et comprend plusieurs étapes . Des QR Codes sont positionnés à chaque étape, ils renvoient à un descriptif en ligne sur ce site.
Des visites sont également organisées les jeudis matins en août. Se renseigner auprès de l’association.
Les participants retrouvent le guide à 9 heures devant la première fontaine, à l’entrée du hameau de Fontgillarde, et on covoiture jusqu’au départ de la visite. La visite dure environ 4 heures, s’équiper de bonnes chaussures.