Le deuxième quartier est situé au milieu du village.
Comme chaque quartier il a sa fontaine où les habitants se rencontrent, se désaltèrent, se racontent des histoires.
Parmi elles rappelons la légende de l’âne.
La légende de l’âne
FONTGILLARDE PAYS D’INFORTUNE
HIVER SANS SOLEIL, ÉTÉ SANS LUNE
Dans le Queyras les gens étaient volontiers moqueurs et ils étaient toujours prêts à se moquer les uns des autres, surtout d’un village à l’autre.
Tout le monde sait qu’à Fontgillarde il n’y a pas de soleil une partie de l’hiver, à cause de la montagne qui ne le laisse pas passer, quand il est trop bas. Et c’est la même chose pour la lune en été. Un Saint-Véranais, lui, avait trouvé une autre explication, Voici ce qu’il disait :
« Autrefois en hiver, le soleil brillait à Fontgillarde autant qu’à Saint-Véran. La lune en été, était aussi claire que le cristal que nous ramassons au pic du Rouchon.
Au Coin, il y avait un vieil homme qui ne s’était jamais marié, et qui était bien connu de tous pour être avare. Il avait un âne qu’il menait chaque matin et chaque soir à Fontgillarde pour le faire boire à la fontaine. Pourquoi le menait-il à Fontgillarde ? L’eau ne manquait pas au Coin ! Bon c’était comme ça !
A sa bête, il ne donnait que de la paille et encore il diminuait chaque jour sa ration. Un matin, l’âne a été étonné de voir que le soleil se reflétait dans l’eau de la fontaine, il a cru que c’était le ciel qui lui envoyait de quoi manger, et il dit à son maitre : « Mon Maitre, tu me donnes de moins en moins à manger, ne pourrais-tu pas lâcher un peu le licol pour que je puisse manger cette belle tourte qui est au fond du bassin ? »
Le vieux a pensé qu’il allait lui faire sauter un repas, il a desserré un peu le licol et il a vu que, quand l’âne buvait, le soleil s’en allait du bassin et du ciel. Il a pensé que l’âne l’avait mangé puisqu’il n’est pas revenu de l’hiver.
Six mois après l’âne voit la lune au fond du bassin et il dit à son maître : « Mon maitre, ce matin tu as oublié de me donner à manger, ne pourrais-tu me lâcher un peu le licol pour que je puisse manger cette belle tourte qui est là au fond du bassin ? »
« Malheureux ! répond le vieux, il y a six mois tu as déjà mangé le soleil, et, maintenant, tu veux encore manger la lune ? Bon, je te donne la permission de n’en manger qu’un petit morceau. »
L‘âne a écouté, et chaque soir il mangeait un morceau de ce bon fromage. Et chaque soir, dans le bassin et dans le ciel, la lune devenait un peu plus petite.
Un soir, il n’y avait plus rien dans le bassin, rien que de l’eau. Ce serait depuis ce jour-là qu’il n’y a plus de lune à Fontgillarde en été. »
Tiré de : Husson, Robert, La Montagne veut vivre, Editions R. Guillon, 1931